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NOTES 109

tilège, divinité terrible quand elle se manifeste en l'homme par la chaleur du sang et les troubles mouvements d'une passion crépusculaire et torturante.

Norvégien, et rien que Nor\'égien, ce personnage fantasque, qui hante toute la première partie de l'œuvre de Knut Hamsun ; cousin des innombrables héros romantiques de tous les pays, mais la fatalité qui l'exalte et l'accable a la couleur des ciels du Nord ; ni son exotisme, ni son originalité ne sont contestables. Après la Faiw, début éclatant d'une carrière qui débute par la liquidation des souffrances visionnaires et des haines d'une jeu- nesse malheureuse, Knut Hamsun se voue à cet unique person- nage ; la diversité des masques sarcastiques et lyriques ne nous égare pas sur le sens du pseudonyme ; il se répand (Mystères) en propos hardis et joyeusement amers ; il s'appelle le lieute- nant Glahn (Pan), Nagel (Mystères), Kareno (Aux Portes du Royaume)... nous le nommons Hamsun. Ces divers volumes ne sont que les chapitres d'un même livre : avatars d'un nomade (lui-même définit ses héros des a comètes errantes »), perpé- tuelles déconvenues d'un civilisé qui a la civilisation en horreur, flux et reflux d'une dévotion partagée entre le culte inquiétant de la femme et la religion apaisante de la nature ; Knut Hamsun érige à sa propre ressemblance cette figure d'amant et de rêveur qui demeurera son titre singulier à l'atten- tion des littératures européennes.

A^ ces Rêveries d'un promeneur solitaire, écrites par un Saint-Preux sans galanterie, à ces Confessions, d'une minutie cruelle, vibrantes comme des tragédies, succèdent, parmi des poèmes, des pièces de théâtre (Aux Portes du Royaume, Le Jeu de la Vie, L^ Crépuscule), de vastes romans sociaux (Benoni, Rosa... La Ville de Segelfoss, Les Femmes à la Fontaine). L'homme s'est assagi ; il dément activement l'une de ses thèses favorites en prouvant qu'à cinquante ans l'écrivain n'a pas perdu le privilège du talent (Un voyageur joue en sourdine) ; il est clair- voyant, désintéressé ; il s'exile de son oeuvre et n'y accueille plus que le menu peuple des bourgades et des côtes norvé- giennes. Ce réalisme a sa saveur ; la Norvège aff'ectionne ce pur miroir, et cette multitude de petits drames dépouillés de tout commentaire, cette précision, cette coupante netteté... Mais c'est le lieutenant Glahn qui fut en Europe l'initiateur de la

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