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��NOTES 1 1 5

Au ciel, assurément, la vie est l'accomplissement de l'idée, et plus nous réfléchissons, plus nous voyons qu'il devrait en être ainsi sur terre. Mais nous savons qu'en Angleterre il n'en est pas ainsi, et nous avons des raisons de croire que ce n'est pas autant le cas, en France, que des critiques français voudraient nous le faire accroire. Il y a toujours à notre sens, un élément d'illusion dans tout effort qui a pour objet d'établir une relation trop étroite entre les mobiles auxquels obéissent les masses, et les doctrines de leurs contemporains. Même là où, comme c'est le cas en France, le peuple est. particulièrement réceptif et intel- ligent, le processus qui fait lever toute la pâte est toujours un processus laborieux et fort lent. M. Thibaudet est trop bon Berg- sonien pour ne pas le voir, et il se tient sur ses gardes, cepen- dant pas suffisamment encore, comme nous le montre le pas- sage que nous venons de citer. Son ouvrage dans son ensemble est une tétralogie. Si la forme qu'il a donnée à son premier volume est typique de l'ensemble, chaque section aura elle aussi un caractère tétralogique. Ce cérémonial d'apparat investit l'idée d'une pompe souveraine, mais lui confère un prestige par trop imposant, par trop dominateur. Lumière de Grèce, Air de Provence, Pierre de Rome, Terre de France, telles sont les idées mères à la lumière desquelles nous envisageons M. Maurras, les portes à travers lesquelles nous pénétrons dans le temple de son esprit ; mais, hélas ! la première phrase de ce poème en forme de fugue puise dans la réalité une si mince justification qu'elle projette comme un reflet fantasmagorique sur tout le volume. Car la splendeur de l'art et de la pensée des Grecs résidait justement dans l'équilibre qu'ils obtenaient entre deux forces, dont M. Maurras sacrifie l'une. L'esprit et l'art grecs étaient tout à la fois individuels et universels, ils étaient classi- ques, ils tenaient compte de tout. Pourtant M. Thibaudet va jusqu'à comparer la fonction qu'assume M. Maurras dans la vie française moderne, à celle de Socrate à Athènes, alors que Socrate, plus qu'aucun homme qui fut jamais, est le fondateur de l'individualisme et tandis que M. Maurras n'a d'autre objet et d'autre préoccupation que de le renverser. Air de Provence est une étiquette qui convient mieux ; mais ici aussi l'auteur a laissé trop libre cours à la fantaisie et à la flatterie, (M. Maurras est une telle puissance qu'il convient de lui passer bien des choses.)

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