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LES REVUES 38 1

J'ai seulement voulu faire concevoir que les nombres obligatoires, les rimes, les formes fixes, tout cet arbitraire, une fois pour toutes adopté, et opposé à nous-mêmes, ont une sorte de beauté propre et philosophique. Des chaînes, qui se roidissent à chaque mouvement de notre génie, nous rappellent, sur le moment, à tout le mépris que mérite, sans aucun doute, ce familier chaos, que le vulgaire appelle pensée, et dont ils ignorent que les conditions naturelles ne sont pas moins fortuites, ni moins futiles, que les conditions d'une charade.

C'est un art de profond sceptique que la poésie savante. Elle suppose une liberté extraordinaire à l'égard de l'ensemble de nos idées et de nos sensations. Les dieux, gracieusement, nous donnent pour rien tel premier vers ; mais c'est à nous de façonner le second qui doit consonner avec l'autre, et ne pas être indigne de son aîné surnaturel. Ce n'est pas trop de toutes les ressources de l'expérience et de l'esprit pour le rendre comparable au vers qui fut un don.

��Henry Bidou écrit dans l'Opinion (29 janvier) à l'occasion de la reprise de Tristan et Isolde par la Société des Concerts du Conservatoire.

Il y a en ce moment dans l'univers une guerre entre deux musiques. Ce n'est pas entre la musique française et la musique allemande. Il faut l'aveuglement intéressé de M. Saint-Saens pour imaginer que ses exer- cices, d'ailleurs agréables et corrects, puissent être mis en balance avec les grandes œuvres des maîtres, soit allemands, soit français. La vérité est toute différente. Il existe une mauvaise musique internationale, en grande partie italienne et française, qui accapare la scène dans tous les pays du monde. J'ai été témoin, en Amérique du Sud, de cette lamen- table et ridicule usurpation. J'ai vu, dans un des plus beaux théâtres du monde, régner La Tosca et Manon. La vraie guerre est entre cette musique frelatée et l'art véritable, qu'il soit allemand, français, russe ou de quelque pays qu'il lui plaira. D'un côté, il y a les Puccini et les Massenet, de l'autre il y a les Beethoven, les Wagner, les d'Indy, les Franck, les Debussy, les Stravinsky : génies à la fois opposés et frater- nels, qui tous ont arraché un cri nouveau à l'éternelle nature. En por- tant en triomphe une œuvre comme Tristan, le public rend plus facile le chemin que devra faire le génie qui naîtra demain chez nous ; et en applaudissant Wagner, j'ai le sentiment que nous faisons une œuvre nationale.

��Du manifeste de }\hnneni : La Danse futuriste, qu'a publié

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