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MONSIEUR SLUDGE, LE MEDIUM 449

étaient les coups de tonnerre, les éclairs, les tremble- ments de terre, les cyclones, dirigés sans conteste contre les hommes dont ils causaient la mort. Là, et là seulement, ils voyaient la Providence à l'œuvre, — ce que voyant, il était naturel que les têtes se missent à trembler, les mains à se tordre, les genoux à s'entrechoquer au souffle de la pre- mière lettre du Nom. — Même, je me suis laissé dire que les Juifs se refusent à l'écrire, oui, aujourd'hui encore, ou à la prononcer tout haut (vous savez mieux que moi si c'est vrai). Une fois passé chaque accès d'épouvante, les hommes allaient se blottir (parce qu'il faut bien que les gens, une fois nés, vivent) hors de son influence et de son contrôle, dans un coin du monde resté dans l'ombre, lieu sûr que la peur n'avait pas atteint. C'est là qu'ils regardaient alentour, qu'ils reprenaient haleine et se sentaient vraiment « chez eux », si l'on peut dire. Quant au courant des choses ordi- naires, à la vie quotidienne, ils méprisaient cela comme il sied ; aucun Nom ne poursuivait l'homme, du sommet de la montagne où régnent les feux jusqu'au pied où se trouve son trou de souris personnel, dans lequel il mangeait, buvait, en un mot vivait : telles étaient les affaires ordi- naires de-l'homme — trop petites pour mériter le tonnerre, ' « petites », disaient les gens, « petites », ils y insistaient avec complaisance en ces grands jours ! Un grain de sable, un brin d'herbe... quoi de plus méprisable qu'un brin d'herbe, sauf peut-être la vie de la mouche ou du ver qui s'y nourrissait. Ceux-là étaient « petits », les hommes étaient grands. Eh bien ! Monsieur, l'ancien état a, depuis lors, quelque peu changé et le monde aujourd'hui a pris un autre aspect. Quelqu'un retourne notre lunette, ou bien y met une nouvelle lentille : l'herbe, le ver, la mouche deviennent gros ; nous nous apercevons que les grandes choses sont faites de petites etque les petites vont en dimi- nuant jusqu'à ce qu'enfin, derrière elles, paraisse Dieu. Par- lez de montagnes maintenant ? Non, nous parlons d'une motte de terre qui s'accumule en montagne, des infiniment

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