Aller au contenu

Page:NRF 16.djvu/496

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

490 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sortir le drame d'amour de l'ornière post - romantique (amour= but de la vie) et le réannexent au domaine des passions. Ils montrent non seulement la possibilité, mais la nécessité de remettre en honneur dans notre théâtre d'amour l'alternative psychologique et morale, ressort unique de la tragédie classiqu e, mais ils montrent en même temps son insuffisance à remplir seule une pièce moderne. Combler le vide en s'inspirant d'Ibsen, de Musset ou de Marivaux, ce n'est encore qu'un expédient. La mine des grands sujets semble retrouvée. Ce qui manque encore, c'est une formule inédite qui ajoute à Corneille et à Racine autant de modernité qu'ils en ajoutèrent eux- mêmes à Euripide ou à Sénèque le Tragique.

BENJAMIN CRÉMIEUX

��« 

  • *

��LE LIVRE DES ORAISONS DE GASTON PHÉBUS, mis en français par Jean Vorle Monniot (la Sirène).

Dans ses charmantes Chroniques, Jehan Froissart raconte la belle réception que lui fit en l'année 1388 à Orthez Gaston Phé- bus, comte de Foix et de Béarn. Ce prince magnifique, grand amateur de chasse, d'oiseaux, d'art, de fêtes, de femmes et d'argent, passait pour un puissant seigneur et pour un profond politique, si averti même qu'on le supposait en rapports avec un esprit mystérieux qui lui annonçait avant qu'on les sût dans le pays les nouvelles de toute l'Europe. Outre les perfidies, meurtres, rapines communes aux plus nobles seigneurs de son époque bouleversée, outre « la fureur de luxure » dont il s'accuse, Gaston Phébus avait sur la conscience le souvenir d'un drame domestique qui semble avoir profondément secoué son âme. Est-ce à cela que nous devons la composition des trente-six petites prières émouvantes et raffinées dont la Sirène nous donne aujourd'hui une traduction ? Aussi bien le senti- ment de culpabilité n'est-il point l'un des plus profonds points d'appui de l'ardeur religieuse ? Les remords firent-ils rentrer en lui-même le violent féodal et ouvrirent-ils la voie à la grâce chrétienne, seul contrepoids à la brutalité d'une société que la guerre de Cent Ans avait fait déchoir du haut degré de cul- turc atteint par le xiii* siècle ?

�� �