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576 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Françoise lui sourit bonnement pour l'engager à ne pas être aussi discrète. Madame Pô va jusque sur le seuil regarder — de l'un et de l'autre côté de la rue — si personne ne vient : « Mes filles sont parties en pèlerinage à Notre-Dame de Consolation. Le dernier train est en gare depuis long- temps. Je l'ai entendu siffler. L'omnibus vient de passer. Leur serait-il arrivé malheur ? » Françoise dit une parole douce et insignifiante. Mais voilà qu'elle conte une histoire. Ces demoiselles arrivent enfin avec des amis. Quand elles voient leur mère occupée à s'entretenir avec une des Tan- neries et qu'elles l'entendent la saluer poliment, — à cause de leurs amis elles sont humiliées. Cependant éprouvent- elles que leur mère à cause de la visite de cette femme se fait plus patiente et ne leur sait pas mauvais gré du retard, — elles regrettent de ne l'avoir pas saluée. Le lendemain, devant tout le monde, au marché, elles lui donneront le bonjour. Françoise en est tout étonnée et en reste droite comme un plâtre. Ces demoiselles pour des oracles sont tenues ; beaucoup règlent leur conduite sur elles. Vieille Françoise remarque sur le chemin de son retour que les visages les plus sévères commencent à lui sourire. Ces demoiselles Pô ramasseront les restes du déjeuner qu'on ne donnera pas au chien ce jour-là, qu'elles envoient à Françoise, que Françoise jettera, mais dont elle viendra les remercier avec un agenouillement de tout son être, comme de n'avoir pas eu faim grâce à elles.

Il ne faut pas avoir de répugnance. Françoise fait main- tenant sa cour à la servante du boucher. Celle-ci est jeune, coquette et pieuse. Quand elle revient de la messe, toute parée, elle est bien impropre à plumer la volaille du déjeu- ner. Françoise voit cette fille en robe de fête commencer la servile besogne. Elle s'approche de la fenêtre qui donne sur la cour et timidement propose de l'aider. La servante, le premier jour, fait mine de ne pas l'entendre, mais elle réfléchit durant la semaine ; le dimanche suivant, elle cédera à la tentation d'être aidée par une femme des Tan-

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