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NOTES

��FACE A FACE OU LE POÈTE ET TOI, par Luc Durtain (Les Amis des Livres).

Il est des morts qu'on ne se lasse pas de tuer et qui ne s'en portent pas plus mal ; le « vers régulier » par exemple. Presque tous les ans nous voyons paraître un traité plus ou moins bref, où, sous couleur d'étudier l'état et les destinées de la poésie, un réformateur déclare vétustés, caduques, néfastes, réactionnaires, aristocrates, antisociales et inhumaines les « formes tradition- nelles » du vers français, célèbre les conquêtes du vers libre, ou des versets claudeliens et conclut en affirmant que la poésie sera — ici un adjectif en istc — ou ne sera pas. M. Luc Durtain, du moins, s'est gardé de proposer un système. Encore qu'il s'ex- prime en un langage dont la familiarité apparente ne laisse pas d'être assez hermétique, on distingue ce qu'il rejette, mais non pas toujours ce qu'il propose.

Ses confidences sont censées adressées à « un authentique être humain » rencontré par lui dans la rue. En Europe ou ailleurs ? voilà qui n'importe guère à M. Durtain. Il se résout à « être en France pour la commodité du langage ». C'est une concession dont on lui saura gré. Du reste cette indifférence dont il se tar- gue n'est que trop réelle. Il ne tient compte de la tradition fran- çaise que pour rompre délibérément avec elle, du passé que pour en dénoncer les « constructions vermoulues », et les « formes surannées ». La « prosodie traditionnelle » est pour lui un « ordre arbitraire, pareil dans son inutilité et sa tyrannie à ces formes sociales qui ont causé l'immense ébranlement d'hier et lui sur- vivent encore un temps ». Ainsi, traditionalisme poétique et conservation sociale se prêtant un mutuel appui, M. Durtain les déteste l'un et l'autre.

Toute réforme prosodique lui apparaît comme « un premier

progrès, image d'autres espérances, vers l'équilibre des lois et

'des choses ». Il conçoit l'art comme une force fatale qui ne va

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