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6l2 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Peste, apprivoisée, sen'ait à boire et mouchait la chandelle quand Guillaume Apollinaire lisait la Chanson du Mal Aimé, quand Max Jacob se trompait de page, exprès, en répétant les erreurs cdifiante3 de Saint MaihorcJ. On accrochait au porte-manteau des compagnons de confiance, ceux du gibet de Savannah.

Sur les murs du Café Brebis une main qui ne tremble pas a gravé : Le Génois Christophe Colomb, qui conquit les Amériques avec une poignée d'hommes, était peut-être un grand chncn sérieux.

C'est d'une extrême sagesse si Pierre Mac Orlan, dans sa pré- face à la version autobiographique d'un roman de Jack London (qu'il tient pour œuvre de grande classe et dont l'outrecuidante puérilité yankee m'est hostile), loue ses camarades parisiens d'avoir, à l'imitation des compagnons de l'Américain, acquis leur vraie science hors ou au-delà des universités, hautes-études dont les amphithéâtres furent le cabaret, le garni glacé, l'im- passe connue de quelques maudits de qualité, la Morgue où l'on va reconnaître qui n'a pas résisté aux circonstances les plus dramatiques, une prison de régiment et le « Salon de la Société » conquis pour un soir et où règne, en vêtements magnifiques et pas encore payés, celui qui, peut-être, connaît le sobriquet renouvelé de la Coquille ou des Dévorants, et par quoi se fait compter parmi de souterrains philadelphes ce valet poussif aux gants de coton blanc.

Mais Jack London se vend vite aux trusteurs ; Marc Twain ne « réalise » pas le drame qu'il porte et s'use à divertir basse- ment les pionniers puritains. Pierre Mac Orlan tend raide au- dessus de lui, comme un ciel d'été, l'étoffe diaprée de cet humour,. à d'autres tunique de Nessus, et dont le vêtirent ses « clients » du premier jour. Quand notre jeunesse aimait, au-dessus de la vie artistique, le commerce des hommes de métier et des fai- néants ingénieux.

Mac Orlan était riche d'amulettes protectrices, monnaie du rachat permanent de son vrai génie : les écussons de nos provinces, les lances de nos drapeaux et des noms de bataille, les fers des vieux livres, des graines rapportées par l'oncle voya- geur.

On peut bien, dans les revues « qui se respectent », disputer

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