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NOTES '629

aussitôt l'œuvre nouvelle, et publia dans The Leader du 5 janvier 1856 un article élogieux où, après quelques considé- rations générales sur l'Orient, source du matin et de « presque toutes nos bonnes choses », elle s'exprimait ainsi :

« Shagpat Rasé est une oeuvre de génie, de génie poétique. Elle n'a rien de la faiblesse qui est le lot des simples imitations manufacturées par un effort servile, ou « jetées » avec une sinueuse facilité. Ce n'est pas une mosaïque d'incidents empruntés. MrMeredith ne s'est pas contenté d'imiter les fictions arabes, il a été inspiré par elles, il s'est servi des formes orientales, mais seulement comme l'eût fait un génie oriental « to the manner born». Lorsque Gœthe, sous l'inspiration d'études orientales, écrivit un ouvrage immortel, il l'appela très justement « West- ôstliche », comme étant entièrement occidental d'esprit, si ses formes étaient orientales. Mais cette double épithète ne donne- rait pas une idée vraie de Shagpat Rasé, car, en le lisant, nous ne souvenons pas d'avoir été frappés une seule fois parun manque de congruité entre la pensée et la forme, d'avoir fris- sonné une seule fois à l'intrusion du Nord glacé dans les terres du désert et des palmiers. Peut-être des critiques aux yeux plus perçants et des Orientalistes plus instruits que nous pourront- ils discerner des fautes de ton que nous n'apercevons pas, mais notre appréciation indique du moins ce qui sera vraisembla- blement l'impression moyenne. Sur un point, à la vérité, Mr Meredith diffère largement de ses modèles, mais cette diffé- rence est un haut mérite ; car elle réside dans l'exquise délica- tesse de ses épisodes d'amour et scènes d'amour. Mais toutes les autres caractéristiques, luxuriance d'imagination, pittoresque étrangeté d'aventures, humour riche de sens, sagesse senten- cieuse, font de Shagpat Rasé une nouvelle Mille et une nuit. Pour les deux tiers des lecteurs, voilà qui constituera une recommandation suffisante. »

Poursuivant son étude, George Eliot cherche à exciter l'in- térêt et la curiosité du public anglais en lui faisant entrevoir une profonde allégorie morale cachée sous les voiles de la fiction poétique ; puis elle loue la vigueur concrète des descriptions, la richesse des images, la splendeur lyrique des vers d'amour que contient l'Histoire de Bhanavar. Elle multiplie les citations à mesure qu'elle avance, et finit par donner presque en entier

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