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c’est ou bien pour rappeler de récentes bonnes fortunes, ou pour en provoquer. Il cherche à convaincre les femmes que si elles ont du goût, elles aimeront non un freluquet, mais le vieux barde. Tout cela dit avec la syntaxe la plus libre et la plus noble. Sans parler des vers trop illustres sur les yeux du jeune homme comparés à ceux du vieillard (avec préférence naturellement pour ce dernier) de quelle familiarité Hugo n’use-t-il pas, dans ce couplet même, pour asservir, aux lois du vers, celles de la logique

Le vieillard, qui revient vers sa source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants

En prose on eût évidemment commencé par dire « sort des jours changeants ». Et il ne craint pas de jeter à la fin du vers où elles s’anoblissent, des phrases tout à fait triviales :

Laissez tomber exprès des épis, disait-il

Tout le temps, des impressions personnelles, des moments vécus, soutiennent ce grand poème historique. C’est dans une impression ressentie sans aucun doute par Victor Hugo et non dans la Bible, qu’il faut chercher l’origine des vers admirables :

Quand on est jeune on a des matins triomphants.
Le jour sort de la nuit ainsi qu’une victoire.

Les pensées les plus indivisibles sont rendues au degré de fusion nécessaire :

Voilà longtemps que celle avec qui j’ai dormi
O Seigneur, a quitté ma couche pour la vôtre
Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre
Elle à demi vivante, et moi mort à demi.

La noblesse de la syntaxe ne fléchit pas même dans les vers les plus simples :