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KOTES 729

série de créations poétiques qui, continuant des efforts antérieurs à la guerre, ont paru depuis celle-ci. Loin de moi, j'y insiste, l'intention de rien contester ni au talent, ni au génie de tels de nos aînés immédiats, ni de diminuer l'intérêt qui s'attache à diverses tentatives dont nous sommes témoins. Mais il me paraît qu'une suite de réalisations tellçs que : Elégies de Georges Duhamel, le C/.un// du Desespéré de Charles Vildrac, les Poèmes de Georges Chennevière et ce Cromeâcyre-le-Vieil cl ce Voyage des Amants de Jules Romains, (oeuvres qui malgré les différences individuelles offrent de si profondes affmités réciproques), a le caractère tout particulier dans le chaos de la poésie actuelle d'envisager l'ensemble des problèmes qui se posent actuel- lement à l'art et non point seulement tel ou tel d'entre eux : bref, de tenter l'essai d'un style. Un style dont les traits princi- paux semblent être : une technique poétique libre mais avertie des exigences du rythme et respectant les conventions du lan- gage pour pouvoir disposer de ses ressources ; la recherche du vrai dans le sujet comme dans la forme ; l'expression directe des choses sans symbole, ni allégorie ; cette étude passionnée du modèle humain d'où sont sorties toutes les rénovations de l'art, poursuivie avec un sens profond de la fraternité humaine ; la mise en oeuvre d'un acquis aussi large qu'il se peut, aussi bien intellectuel que sensible ; la tradition non point reçue du passé mais retrouvée dans le décours à jamais identique des choses, encore que ces écrivains ne se croient point diminués de devoir à des maîtres ; l'œuvre enfin tout entière établie en vue du lec- teur qui doit y entrer non point lorsqu'enfin elle lui parvient, mais dès qu'elle commence à exister.

Les tendances communes à ces écrivains et à quelques autres que je pourrais citer à leurs côtés seraient peut-être plus exac- tement connues du public si, chacun d'eux travaillant en toute indépendance, ils s'étaient plus souciés de l'ensemble qu'ils se trouvent former presque involontairement. Mais le principal n'est- il pas que nous nous trouvions en présence, non seulement d'une nouvelle conception de la poésie, mais surtout d'un groupe d'œuvres oîi elle se trouve incluse? L'apparition, et l'apparition non isolée d'ouvrages forts, simples et vrais tels que le Joyage des Amants me paraît bien l'un des plus solides motifs que nous puis- sions avoir de faire confiance à notre temps. luc durtain

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