Page:NRF 16.djvu/752

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

74^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

exposée à fond, dénouée à point par la résolution des conflits, un ouvrage linéaire comme celui-ci. Il ne s'agit plus avec lui de conflits et d'intrigue. Un homme et une destinée. Il n'y a pas davantage dans nombre de tragédies grecques, dans Proinelhée enchaîné, dans les Perses, dans Œdipe à Colone. Si l'homme vit, si le dessin de sa destinée est lisible, si les tableaux successifs forment un tout signifiant, la pièce est bel et bien construite. Nous n'avons rien à demander de plus. Ainsi une pièce de théâtre peut être une toute simple histoire, un livre illustré qu'on feuillette, une mouvante image d'Epinal. Mais le cadre que l'intrigue ne remplit pas, l'homme doit le remplir, j'en- tends l'humanité du personnage : son être, son verbe, sa poé- sie. Poésie et humanité, voilà ce qui doit être exigé de l'auteur. En ce sens, M. Jean Variot n'a pas été inférieur à sa tâche. Il ne nous montre que Mathias, mais il nous intéresse à Mathias. Le reste est agrément, divertissement, atmosphère, la satire des assemblées au premier acte, comme la fête bachique du troi- sième (qui tient un peu trop de place selon moi et tend à rom- pre l'équilibre). Mathias est quelqu'un comme nous, avec ses façons à lui d'être et de dire, de la verve, de la bonté, de la résignation ; et il est aussi de son temps ; et par là-dessus un symbole, grâce à la généralité de son malheur. Il a la réalité et la poésie. Quand on sort du théâtre on ne se souvient guère d'avoir vu que lui ; mais on ne l'oublie pas. Après cela, que le public moderne — et j'entends un certain public — reste froid devant ses malheurs et se refuse à « marcher », c'est un fait et qui ne devra surprendre personne. Mais un public simple, non pas. Celui-ci malheureusement est dispersé à notre époque. La tâche de nos dramaturges consistera à le rallier peu à peu. L'événement a prouvé qu'il est sensible à la nuance, à la mesure , à la saveur d'une langue directe et populaire, à la simplicité rude et délicate du ton ; et, avec le don de la vie, ce sont les qualités principales de M. Jean Variot.

��HENRI GHEON

��*

  • *

��L'EXPOSITION DE PEINTURE HOLLANDAISE aux

Tuileries.

Le peintre moderne en quête d'une certitude, et qui n'épar-

�� �