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TANTE GERTRUDE

les instances de Paulette, de Madeleine et de Gontran, revenus pour les vacances du Nouvel An, avait consenti à laisser dresser un arbre de Noël monstre pour tous les enfants du village. Chacun s’était mis gaiement à l’œuvre. La grande salle des fêtes, toujours fermée, avait été rouverte pour la circonstance ; Thérèse, aidée du régisseur, avait décoré de guirlandes de feuillage l’immense pièce ; Paulette, avec son goût exquis, suggérait des arrangements heureux : une touffe de gui par ci, un buisson de houx par là, de superbes gerbes de chrysanthèmes disposées savamment au milieu de toute cette verdure, produisaient un effet ravissant que Mlle Gertrude, elle-même, ne pouvait s’empêcher d’admirer, malgré son chagrin et l’ennui que lui causait tout ce bouleversement.

Les jeunes gens avaient travaillé toute la journée ; les préparatifs étaient terminés ; il ne restait que les bougies à allumer dans les branches du sapin gigantesque dressé au milieu de la pièce. Jean conseilla de réserver cet ouvrage pour le dernier moment ; il serait bien temps encore une demi-heure avant l’arrivée des enfants, aussitôt le dîner fini, et chacun courut s’habiller.

— Puis-je vous aider, ma chère Paule ? avait demandé affectueusement Thérèse à travers la porte de la chambre de Mme Wanel.

— Non, merci, fut la brève réponse.

Étonnée, la jeune fille avait insisté.

— Permettez-moi d’entrer et d’arranger vos cheveux ?

— C’est inutile, vous dis-je ; je n’ai besoin de personne !

Thérèse s’était alors retirée. Toute triste, elle était descendue dans la salle, où elle fut bientôt rejointe par le régisseur et les enfants.

— Voyez comme notre « maman Jean » est superbe ! dit Madeleine à Thérèse, en lui montrant son frère, d’un regard admirateur et ravi.

L’orpheline adressa au jeune homme un bon sourire… Oui, il était bien beau, ce soir-là, Jean Bernard ! Son visage, aux traits purs et réguliers, respirait une singulière distinction ; ses yeux noirs, si expressifs, avaient un éclat inaccoutumé ;