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TANTE GERTRUDE

Le régisseur se retourna vivement au son de la voix harmonieuse, et contempla avec admiration la ravissante créature qui lui semblait toujours plus belle chaque fois qu’il la voyait.

— Je suis en retard, n’est-ce pas ? Mais je ne vous attendais pas par ce temps affreux ; et, travailler toute seule dans ce bureau lugubre et sombre ne me disait rien ! Comment avez-vous pu arriver jusqu’ici ? En bateau ?

— Non, madame, à pied, très prosaïquement, je vous assure. Et, pendant que je me secouais consciencieusement avant de pénétrer dans le vestibule, j’ai eu à essuyer la mauvaise humeur de Mlle de Neufmoulins, qui paraissait furieuse de mon retard d’une demi-heure et, d’autre part, toujours originale comme à son habitude, prétendait que j’aurais mieux fait de rester chez moi. Elle a mis ensuite la maison sens dessus dessous pour allumer du feu que je ne demandais pas ; elle avait fait entasser tant de bois dans la cheminée que, si je n’avais pas protesté, du train dont elle y allait, je serais certainement grillé à l’heure qu’il est.

— Est-elle drôle, ma tante Gertrude ! fit remarquer Paulette en riant.

— Si drôle, répondit Jean Bernard, qu’elle a planté là, au beau milieu du vestibule, un visiteur qu’elle reconduisait sans doute et dont la voiture attendait au bas du perron, pour me faire toute cette algarade ! Vous n’avez pas entendu ses cris ?

— Non ; j’étais dans ma chambre. Je viens d’avoir sa visite. C’est elle qui m’a annoncé votre arrivée.

Pendant ce colloque, le régisseur avait préparé les registres, livres de comptes, correspondance, enfin tout ce qui constituait son travail habituel, et il avait tendu à sa compagne, assise en face de lui, de l’autre côté de la table, ce qui la regardait spécialement, les mémoires que sa tante lui chargeait de reviser.

Mais Paulette, évidemment distraite, ne paraissait pas pressée de se mettre à l’ouvrage. Elle examinait Jean Bernard, penché sur son bureau, alignant des chiffres et s’interrompant de temps