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TANTE GERTRUDE

m’acheter un tout petit poney comme celui que nous avons rencontré sur la route ce matin.

Ces simples mots prononcés par sa sœur plongeaient le jeune homme dans une profonde rêverie.

« Si Jean était riche… »

Une sorte de regret, quelque chose d’indéfinissable lui venait à cette pensée. Riche !… il aurait pu l’être, s’il avait voulu. Pourquoi avait-il refusé cette occasion unique qui lui avait été offerte la semaine précédente ? Comme tout cela s’était fait vivement ! Il était là, à ce même bureau, quand une lettre lui était parvenue lui annonçant une nouvelle aussi étrange qu’inattendue ! Quelque chose qui lui faisait l’effet d’un conte de fée.

Son oncle, M. de Neufmoulins, était mort lui laissant, à lui, Jean de Ponthieu, sa fortune et ses immenses domaines, à la condition d’épouser Paule Wanel dans l’année qui suivrait sa mort…

Antoine de Radicourt, le seul ami à qui il eût révélé son incognito, le seul ami qui lui fût resté fidèle dans l’épreuve, avait lu dans les journaux l’annonce que le notaire, Me Saint-Riquier, y avait fait insérer, priant le comte Jean de Ponthieu, dont on ignorait complètement la résidence, de vouloir bien se présenter à son étude pour affaire importante. M. de Radicourt avait écrit à Me Saint-Riquier, et il avait été le premier à faire part à son ami de l’étonnante nouvelle !

Ah ! certes, le mirage avait été beau ! la tentation avait été forte !… Jean, ébloui un instant par la perspective d’une situation digne de lui, avait hésité. Pourquoi refuser cette chance de fortune qui s’offrait à lui, et qu’il ne retrouverait jamais ? En avait-il même le droit, pour le bien de ceux dont il s’était fait le père et le protecteur ?… Mais la vision d’une jeune mariée, radieuse dans le nuage blanc de son voile, attachant un regard souriant et tendre sur le vulgaire compagnon qui marchait à ses côtés, avait suffi pour rompre le charme… Non ! jamais il n’accepterait de donner son nom à Mme Wanel ! Il ne se marierait probablement pas ; sa vie appartenait à Gontran et à Madeleine. En tout cas, s’il aimait un jour, ce