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TANTE GERTRUDE

dans le pays, et, pour cela, il faut attendre que le deuil de Pierre soit passé.

Mlle Gertrude avait décidé d’abord de faire comme son frère, c’est-à-dire de fermer une partie de ses appartements et d’occuper l’Abbaye ; mais, après mûres réflexions, elle renonça à ce projet : le monastère était trop froid, trop glacial : elle habiterait l’aile gauche du château située en plein midi, et s’y installerait à sa façon, selon ses goûts.

La plupart des domestiques étaient partis à la mort de M. de Neufmoulins, il ne restait guère que le concierge et sa femme. Mlle Gertrude conserva sa vieille bonne qui était accoutumée à ses manies ; elle y adjoignit quelques filles du pays pour le service intérieur et un cocher pour la conduire à Ailly, qui se trouvait assez éloigné du château. Elle se paya un autre luxe qui étonna grandement Paulette : ce fut celui d’une demoiselle de compagnie.

— Elle m’assommera assurément, cette petite, déclara-t-elle à sa nièce avec sa brusquerie ordinaire, lorsqu’elle lui annonça cette nouvelle ; mais je ne vois pas le moyen de faire autrement. Sa mère, que j’aimais beaucoup, a eu la stupidité de se laisser mourir de chagrin parce que son mari, qu’elle adorait bêtement, est mort l’année dernière ! Et la petite est si nulle, si sotte, que si je ne la prends pas avec moi, elle ne saura jamais se tirer d’affaire toute seule. Mais il faudra qu’elle marche droit et que je ne m’aperçoive pas de sa présence !

Paule fut très amusée ! Une demoiselle de compagnie qui devait se tenir dans l’ombre, ne pas se montrer, c’était bien là une idée de son originale parente ! Elle plaignit la jeune fille et se promit intérieurement de s’intéresser à son sort.

Depuis que sa tante était au château, elle la réclamait sans cesse, la consultant sur tous ses arrangements, lui demandant toujours son avis mais, neuf fois sur dix, faisant le contraire de ce que sa nièce lui suggérait. Loin de s’en fâcher, Paule, habituée aux excentricités de la vieille fille, s’en égayait. Elle se prêtait à tout avec la bonne