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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/45

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TANTE GERTRUDE

heureux régisseur ! Il en aurait entendu de belles ! Mais, craignant sans doute qu’un jour ou l’autre on finît par découvrir ses malversations, il s’était dérobé et avait quitté le pays depuis trois mois.

Pressée de pouvoir conter ses griefs à quelqu’un, Mlle Gertrude avait vite envoyé chercher sa nièce, non pas que la jeune veuve pût lui être d’aucune aide dans ces questions d’intérêts qui la laissaient fort indifférente, mais, comme nous l’avons déjà dit, c’était une habitude de la nouvelle châtelaine : quoi qu’il lui arrivât, il fallait que Paulette le sût, que Paulette donnât son avis… avis qu’on ne suivait jamais, naturellement !

— Je vais les mettre tous à la porte, conclut la vieille fille, après avoir fini le récit de ses déboires.

— Puisque c’est déjà fait, fit remarquer judicieusement Paulette, inutile d’en reparler. Il n’y a qu’à chercher un régisseur honnête, intelligent.

— Ah ! vraiment, tu t’imagines qu’on trouve cela comme toi tu trouves un cheval !… Mais, à propos, qu’est-ce que ces nouveaux chevaux avec lesquels tu es venue tout à l’heure ?

— N’est-ce pas qu’ils sont jolis ? Vous les avez remarqués, tante Gertrude ? Ils me sont arrivés hier ; c’est mon marchand de Paris qui me les a expédiés. Il a un goût, ce Rolson ! un goût épatant ! Je vous le recommande ; quand vous aurez besoin de chevaux adressez-vous à lui.

Mlle de Neufmoulins haussa les épaules.

— Et, sans indiscrétion, ma nièce, combien paies-tu ce nouvel attelage ?

Paulette leva sur sa tante un regard ingénu.

— Je ne sais pas, dit-elle tranquillement ; c’est mon homme d’affaires qui se charge de tout cela.

La vieille fille bondit.

— Comment ! tu ne sais même pas le prix de ce que tu achètes ? Mais c’est absurde ! Tu n’as pas honte d’une pareille indifférence ?

— Oh ! voyons, tante Gertrude, pourquoi vous fâcher et me faire de tels reproches ? Vous ne voudriez pas que je me creuse la tête avec tous ces détails ennuyeux.