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TANTE GERTRUDE

dépouiller de ce qui me revenait de droit ! Vraiment ! j’aurais voulu les voir ces écervelés à la tête d’une telle fortune ! Il était temps qu’une personne à poigne mette bon ordre aux dilapidations de toutes sortes qui se sont commises ici depuis plusieurs années. Mais, je suis là ! et les voleurs vont avoir du fil à retordre ! L’intendant de mon frère, qui était un fieffé coquin, a pris la poudre d’escampette ! il a bien fait ! Qu’il aille se faire pendre ailleurs ! mais gare à celui qui s’y frottera désormais ! Vous entendez, jeune homme ? une personne avertie en vaut deux !

Et voyant un éclair d’indignation dans les grands yeux noirs de Jean, la vieille fille continua :

— Ah ! ah ! c’est là que le bât vous blesse ! tant pis ! vous vous habituerez ! les Neufmoulins ont toujours eu main leste et franc parler. Quant à leur devise : « Ce que Neufmoulins veut, Neufmoulins peut », mon frère l’avait oubliée, mais moi j’y tiendrai !…

Pour le moment, vous avez l’air transi et vous devez être, fatigué. Je vous ai fait installer dans la vieille abbaye, on va vous y conduire ; ma cuisinière vous servira vos repas jusqu’à ce que vous ayez trouvé une bonne. Je vous paierai ce que vous payait le prince, mais vous n’avez pas la prétention que je vous nourrisse par-dessus le marché ! Débrouillez-vous ! Il faut d’abord que chacun reste libre ; j’ai horreur de tout ce qui porte atteinte à la liberté ! J’aurais pu vous loger ici, le château est assez vaste pour tout un régiment, mais vous m’auriez gênée et ma société, d’autre part, ne vous eût guère amusé non plus ! Maintenant, je vous attendrai ici, dans mon bureau, tous les matins, de huit heures à dix heures. C’est le temps que je veux consacrer à ce qui regarde l’administration et la gérance de mes biens. Bonsoir !… Ah ! un dernier mot… Vous aurez un cheval et une voiture à votre disposition, c’est indispensable pour votre service, mais vous prendrez un cocher à vos frais, si le cœur vous en dit. Vous trouverez cet article, ainsi qu’une bonne, au bureau de placement d’Ailly. Je vous préviens, par exemple, qu’il n’en sort rien