avec curiosité. Le visage pâle, plutôt sévère du régisseur, lui plaisait ; sa voix basse, aux notes graves, la charmait ; elle écoutait avec un intérêt inconscient ses réponses, ses réflexions toujours polies, mais empreintes d’une froideur un peu hautaine.
Mlle de Neufmoulins avançait-elle une opinion hasardée, il avait une façon à lui de la réfuter qui arrêtait toute réplique et remettait les choses au point. La vieille fille, de son côté, paraissait trouver une sorte de plaisir à contrecarrer le jeune homme, à le piquer au vif, mais elle ne parvint pas à le « coller » selon son expression ! Jean Bernard, toujours maître de lui, avait réponse à tout.
Pendant ce temps, M. de Lanchères, qui s’étonnait de ne pas voir reparaître Mme Wanel, se décida à monter la rejoindre.
— C’est assez pour aujourd’hui, dit Mlle Gertrude en se tournant vers Jean, qui s’était levé en voyant entrer le jeune officier ; demain, nous continuerons de débrouiller l’autre compte. Cette après-midi, vous pourrez aller à Ailly pour vous procurer un cocher et une bonne. Savez-vous conduire ?
— J’avais un cabriolet à ma disposition chez le prince d’A… et je conduisais moi-même.
— Bon. C’est toujours utile de savoir le métier de cocher ; ça peut servir.
Et comme la vieille fille, en disant ces derniers mots, ne quittait pas du regard le jeune régisseur, elle vit un éclair passer dans ses yeux noirs.
— D’ailleurs, si vous n’aviez pas su conduire, ajouta-t-elle, ma nièce aurait pu vous donner de très bonnes leçons, et mon futur neveu aussi, à l’occasion. Ils s’y entendent ! C’est la mode de nos jours, paraît-il, que le domestique soit conduit par le maître ! Vous pouvez vous retirer, monsieur… Allons, bon ! voilà que je ne me souviens plus de votre nom !
— Jean Bernard, répondit fièrement le jeune homme.
— Bien ! Je tâcherai de me le rappeler. Au revoir, monsieur Bernard.
Le régisseur, après s’être incliné légèrement