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TANTE GERTRUDE

que, rouge d’animation et de dépit, elle venait de recourir à son amie.

Celle-ci, empressée autant que complaisante, prit le vêtement rebelle et ses doigts habiles eurent bientôt fait de mettre tout en place.

— Là ! ma chère Paule ; ce n’est pas plus difficile que cela, dit-elle tranquillement, et il ne fallait pas vous décourager pour si peu.

Il y avait près de trois mois que Mme Wanel était installée à Neufmoulins et elle commençait à peine à s’habituer à cette nouvelle vie, si différente de celle qu’elle avait menée jusque-là.

Mlle Gertrude avait payé toutes les dettes de sa nièce, et jamais un mot à ce sujet n’avait été prononcé entre elles, mais la vieille fille n’était pas tendre pour Paulette ! Aussi, bien des fois, avait-il fallu l’amitié de Thérèse, ses encouragements affectueux pour réconforter la jeune femme, l’aider à supporter les épreuves souvent pénibles auxquelles elle se trouvait soumise chaque jour, dans sa situation actuelle.

Habituée à être servie, elle avait dû se mettre à tout faire elle-même et renoncer à ce luxe, à tout ce confort qui lui était si cher. Son indolence naturelle avait eu fort à souffrir à côté de l’activité prodigieuse de sa tante. Levée dès l’aube et à l’ouvrage de grand matin, Mlle Gertrude exigeait que toute sa maison en fît autant ; elle ne s’était pas montrée, sous ce rapport, plus tendre pour sa nièce que pour les autres. Après le déjeuner, elle distribuait à chacun son travail pour la journée, et il fallait que tout marchât. Elle ne pouvait voir quelqu’un d’inoccupé. Thérèse était chargée de l’entretien intérieur du château, de l’office, du linge, etc. ; à Paulette revenait le soin de visiter les pauvres, les malades. Chaque jour elle partait vers neuf heures, quelquefois avec la châtelaine, le plus souvent seule, suivie d’une bonne portant un énorme panier dans lequel il y avait de tout : du bouillon pour l’un, du vin pour l’autre, un vêtement pour celui-ci, une couverture pour celle-là. Plus d’une fois, dans les premiers temps, son cœur s’était soulevé de dégoût en pénétrant dans ces misérables chaumières, auprès de ces grabats