Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 1.djvu/120

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comme s’ils n’existaient pas et de ne plus le concevoir que comme le pouvoir de gracier et de croire que plus on aura sauvé de gens, plus on se sera ajouté d’illustration à soi-même. Pour toi, ce sera nous sauver tous que de pardonner à notre frère cette malheureuse aventure ; nous ne pouvons plus vivre, s’il est puni ; car il ne nous est pas permis de retourner seuls sains et saufs chez notre père ; il faut que nous restions ici pour partager son supplice. Et nous te supplions, seigneur gouverneur, si tu condamnes notre frère à mort, de nous comprendre nous aussi dans son châtiment, comme si nous étions complices de son crime ; car nous ne nous résoudrons point à nous donner la mort de chagrin de l’avoir perdu, c’est en criminels comme lui que nous voulons mourir. Que le coupable soit un jeune homme qui n’a pas encore un jugement très assuré, et qu’il soit humain dans ces conditions d’accorder l’indulgence, je t’épargne ces arguments et je n’en dirai pas davantage[1] ; de la sorte, si tu nous condamnes, ce seront mes omissions qui paraîtront nous avoir attiré cet excès de sévérité, et si tu nous relâches, cet acquittement sera attribué à ta bonté éclairée ; car non seulement tu nous auras sauvés, mais tu nous auras procuré le meilleur moyen de nous justifier et tu auras plus fait que nous-mêmes pour notre propre salut. Mais si tu veux le faire mourir, punis-moi à sa place et renvoie-le à son père, ou s’il te plaît de le retenir comme esclave je suis plus propre à me mettre à ton service ; je suis donc mieux fait, comme tu vois, pour l’une et l’autre peine ». Alors Joudas, prêt à tout supporter pour le salut de son frère, se jette aux pieds de Joseph et fait tous ses efforts pour amollir sa colère et l’apaiser ; tous ses frères se prosternent et s’offrent à mourir pour sauver la vie de Benjamin.

9[2]. Joseph, vaincu par l’émotion et incapable de porter plus longtemps le masque de la colère, fait sortir d’abord ceux qui étaient là afin de se déclarer à ses frères seuls. Les étrangers partis, ils se fait connaître à ses frères et leur dit : « Je vous loue de votre vertu et

  1. Cela est bien heureux pour le lecteur de ce verbiage [T. R.].
  2. Gen., xlv, 1.