innocents, et qui jamais n'ont ravi un fils à sa mère. Fais que, dans une querelle nocturne, une porte soit brisée, ou qu'elle soit ornée de nombreuses couronnes. Jette une ombre amie sur les secrets rendez-vous des amants et de leurs timides maîtresses ; aide à tromper un mari soupçonneux ; provoque un amant à adresser tour à tour des prières suppliantes et des imprécations à la porte inflexible de sa belle, et, s'il est repoussé, à chanter sa mésaventure sur un ton plaintif : contente-toi de faire verser des larmes, sans avoir à te reprocher la mort de personne. Ton flambeau n'est pas fait pour allumer des bûchers dévorants. Ainsi, disais-je ; et l'Amour, agitant ses ailes diaprées de pourpre et d'or : "Achève, me dit-il, ton nouvel ouvrage." Venez donc à mes leçons, amants trompés, et vous qui avez toujours échoué dans vos prétentions amoureuses, venez à moi. Déjà je vous appris l'art d'aimer ; apprenez de moi maintenant l'art de n'aimer plus. La main qui vous blessa saura vous guérir. Souvent le même sol produit des herbes salutaires et des herbes nuisibles ; près de la rose croît l'ortie, et la lance d'Achille cicatrisa la blessure qu'elle-même avait faite au fils d'Hercule. Jeunes beautés, mes préceptes, je vous en avertis, sont aussi bien pour vous que pour vos amants ; je donne des armes aux deux partis. Si, parmi ces préceptes, il en est dont l'usage ne vous soit pas nécessaire, l'exemple qu'ils vous offriront pourra néanmoins vous instruire ; éteindre une flamme cruelle, affranchir les coeurs d'une servitude honteuse, voilà le but utile que je me propose. Phyllis eût vécu, si j'eusse été son maître ; et si elle se rendit neuf fois sur le bord de la mer, elle y fût revenue plus souvent encore. Didon mourante n'eût pas vu, du haut de son palais, la flotte des Troyens mettre à la voile, et le désespoir n'eût point armé contre ses enfants une mère dénaturée, qui versait ainsi son propre sang pour se venger d'un époux parjure[1]. Bien qu'épris de Philomèle, Térée, grâce à moi, n'eût point mérité, par un crime, d'être changé en oiseau[2]. Donnez-moi Pasiphaë pour élève, elle cessera d'aimer un taureau ; donnez-moi Phèdre, sa flamme incestueuse va s'éteindre ; confiez-moi Pâris, et Ménélas gardera son Hélène, et Troie ne tombera pas sous la main des Grecs. Si l’impie Scylla eût lu mes vers, ta tête, ô Nisus ! eût conservé son fatal cheveu de pourpre. Mortels, étouffez de funestes amours ; suivez mes conseils, et votre barque et ses passagers vogueront en sécurité vers le port. Lorsque vous apprîtes à aimer, vous avez dû lire Ovide ; c'est encore Ovide qu'il vous faut lire aujourd'hui, Dans chaque amant malheureux, je vois un client à affranchir de ses fers[3] ; secondez donc les efforts de celui qui veut être votre vengeur.
Je t'invoque, divin Phébus, toi l'inventeur de la poésie et de la médecine ; sois-moi propice ;
- ↑ Matrem. Médée, pour se venger de l'infidélité de Jason, tua les deux enfants qu'elle avait eus de lui, et s'enfuit ensuite à travers !es airs, dans un char traîné par des dragons ailés.
- ↑ Tereus... Philomela. Voyez Métam., VI.
- ↑ Pubicus assertor. Ovide désigne, par ces mots, le préteur qui donnait la liberté aux esclaves, en les frappant de sa baguette appelée vindicta.