Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/249

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qu'il s'y maintient. La campagne, les soins de la culture sont aussi, pour le coeur, la source d'agréables distractions ; il n'est pas de soucis dont elles ne triomphent. Domptez le taureau, forcez-le à courber sa tête sous le joug ; fendez le sol endurci, à l'aide du soc tranchant de la charrue ; confiez aux sillons la semence des richesses de Cérès, que votre champ fécondé va vous rendre avec usure. Voyez ces branches courbées sous le poids des fruits ; c'est à peine si l'arbre peut porter les trésors qu'il a produits. Voyez ces ruisseaux qui coulent avec un joyeux murmure ; voyez ces brebis qui tondent un épais gazon ; là les chèvres grimpent sur les montagnes et les rochers escarpés, et bientôt elles rapporteront à leurs jeunes chevreaux des mamelles gonflées de lait. Ici le berger module un air sur sa flûte aux tuyaux inégaux, et, près de lui, compagnons fidèles, se tiennent ses chiens vigilants. Plus loin, les forêts profondes retentissent de longs mugissements : c'est la génisse qui appelle son nourrisson égaré. Que dirai-je des abeilles, que met en fuite la fumée de l'if, pour qu'on puisse ensuite enlever les rayons de miel des ruches courbées sous son poids ? L'automne vous donne ses fruits, l'été s'embellit de ses moissons, le printemps fait épanouir ses fleurs, l’hiver s'adoucit au coin du feu. Chaque année, à la même époque, le vigneron cueille le raisin mûr, et fait jaillir sous ses pieds le vin nouveau ; chaque année, à la même époque, l’herbe fauchée est rassemblée en gerbe par les mains du faneur ; et sur la prairie nue se promènent les râteaux aux larges dents. Vous pouvez vous-même ensemencer votre humide potager, et y conduire les eaux paisibles de quelque ruisseau. Quand le temps de la greffe est venu, entez sur la branche une branche adoptive, et que l'arbre se couvre d'un feuillage qui n'était pas le sien. Lorsqu'une fois vous prenez goût à ces plaisirs, l'Amour, aux abois, s'enfuit d'un vol débile. Livrez-vous aussi à l'exercice de la chasse ; souvent, vaincue par la soeur d'Apollon, Vénus fut contrainte de lui céder la place.

Tantôt lancez à la poursuite du lièvre rapide votre chien à l'odorat subtil, tantôt dressez vos filets sur les coteaux boisés ; inventez mille ruses contre le cerf timide, et que le sanglier tombe percé des coups de votre épieu. Après les fatigues du jour, la nuit, vous ne songerez guère aux belles, et goûterez un sommeil profond, nécessaire à vos membres harassés. Il est une occupation plus paisible, mais non moins attachante, c'est celle de prendre des oiseaux, gibier de peu de valeur, soit aux filets soit à la glu. C'est celle encore qui consiste à tendre un hameçon recourbé, caché sous l'appât trompeur, au poisson vorace qui l'avale avec avidité. Que ces moyens, et d'autres semblables, servent donc à tromper furtivement la passion qui vous ronge, jusqu'à ce qu'enfin vous en soyez complètement guéri.

Surtout, fuyez au loin : quels que soient les