Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/607

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les autres, comment choisir? Vous agirez en femmes à la fois fortes et pieuses si vous suivez mon conseil." Elle parle, elle est obéie."

"Toutes, les cheveux épars, en longs habits de deuil, [3, 215] au moment où mille épées n'attendaient que le signal du carnage, au moment où la lutte allait s'ouvrir au son des clairons, elles s'élancent entre leurs pères et leurs époux, tenant entre leurs bras les gages sacrés de l'hymen. Dès que ces femmes échevelées sont au milieu du champ de bataille, [3, 220] elles se jettent à genoux; et leurs enfants, comme inspirés alors par l'instinct, tendaient leurs petits bras, avec des cris de joie, du côté des grands-pères. Les uns l'appelaient de son nom, ce grand-père qu'ils voyaient pour la première fois; et ceux qui ne pouvaient l'appeler encore y suppléaient par de touchants efforts. [3, 225] À ce spectacle, tous les courages s'amollissent; le fer tombe de la main des guerriers; les beaux-pères ont jeté leurs épées pour embrasser leurs gendres; ils pressent aussi contre leurs coeurs ces filles héroïques; ils portent leurs petits-fils assis au milieu des boucliers, qui jamais n'ont servi à plus charmant usage."

"Voilà pourquoi c'est un devoir, pour les matrones romaines, [3, 230] pour les filles d'Oebalus, de célébrer au premier jour du mois les Calendes qui me sont consacrées. Si elles m'honorent ainsi par des cérémonies religieuses, est-ce parce que, bravant les épées nues, elles ont conjuré par leurs larmes les fureurs de la guerre? Est-ce pour me remercier d'avoir rendu Ilia mère?"

"[3, 235] Est-ce pour fêter le départ de l'hiver, la fin des frimas, la fonte des neiges et le triomphe du soleil? Alors en effet l'arbre, dépouillé par le froid, se couvre d'un nouveau feuillage; le bourgeon gonflé de sucs s'échappe de la tendre écorce; l'herbe, longtemps cachée, perce enfin le sein de la terre, [3, 240] et annonce les trésors de la moisson; alors tous les champs sont fertiles, les troupeaux se reproduisent, l'oiseau prépare sur la branche un asile, un berceau à ses petits. Ce n'est donc pas sans raison que les mères du Latium célèbrent cette époque de fécondité universelle; pour elles, la milice, c'est l'enfantement demandé par mille prières."

[3, 245] Enfin, sur la colline où les Romains veillaient à la sûreté de Romulus, et qu'on nomme aujourd'hui les Esquilies, les dames romaines élevèrent ce jour-là même, si je ne me trompe, un temple en l'honneur de Junon. Mais pourquoi fatiguerais-je ta mémoire par le récit de tant de causes? [3, 250] La véritable réponse, la voici; elle est frappante. Ma mère protège les épouses; le fils partage les hommages qui s'adressent à sa mère; un si pieux motif est celui que je préfère. Donnez des fleurs à la déesse, elle aime cette parure du printemps; couronnez-la de fraîches guirlandes; [3, 255] dites-lui: O Lucine, c'est à toi que nous devons de voir le jour. Dites-lui: Entends la voix de celle qui t'appelle à son secours dans les douleurs