Page:Ovide - Œuvres complètes, trad Nisard, 1838.djvu/633

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une autre dans les plis flottants de sa robe. Celle-ci cueille des soucis, celle-là préfère les violettes, celle-là coupe avec l'ongle la tige du pavot. L'hyacinthe retient les unes, l'amarante arrête les autres; [4, 440] le thym, le romarin, le mélilot sont préférés tour à tour; la rose est surtout moissonnée, et, avec elle, mille fleurs sans nom. Quant à Proserpine, elle choisit le safran délicat et le lis à la blancheur sans tache. Cependant les jeunes filles s'éloignent peu à peu, entraînées par leur ardeur; le hasard veut que nulle d'elles n'ait suivi sa maîtresse. [4, 445] L'oncle de Proserpine l'aperçoit, et aussitôt l'enlève en toute hâte, et des coursiers azurés l'emportent vers le royaume de Pluton. "Io! mère chérie, s'écria-t-elle, on m'enlève!" Et elle déchirait ses vêtements. Cependant Pluton vole sur le chemin des enfers; car jusque-là ses chevaux [4, 450] avançaient à peine, éblouis par la lumière du jour, trop vive pour leurs yeux. Les corbeilles sont pleines de fleurs. Le choeur des jeunes filles s'écrie. "Proserpine, viens recevoir nos présents." Cet appel reste sans réponse; alors elles remplissent les montagnes de cris perçants, et d'une main désespérée elles se frappent le sein.

[4, 455] Cérès entend ces accents de désolation; elle venait d'arriver à Henna. "Malheur! s'écrie-t-elle aussitôt; ma fille, où es-tu". Elle s'élance hors d'elle-même, et telle qu'on nous peint les Ménades de Thrace, courant, les cheveux épars. Lorsqu'on arrache le veau à la mamelle de sa mère, [4, 460] celle-ci, poussant de longs mugissements, cherche son petit par tous les bois; ainsi, la déesse donne un libre cours à ses plaintes douloureuses, elle part d'un pas rapide, et court d'abord à tes plaines, Henna. Elle retrouve la trace des pas de sa fille, et reconnaît leur empreinte partout où elle a foulé la terre. [4, 465] Peut-être ce jour-là même aurait vu finir ses recherches, si des porcs n'eussent détruit ces indications précieuses. Déjà, dans sa course, elle a laissé derrière elle Leontini et le fleuve Aménanus, et les bords fleuris de l'Acis; elle a dépassé la Cyanè et les eaux du tranquille Anapus, [4, 470] et le Géla aux tourbillons terribles pour quiconque oserait les braver; Ortygie, Mégare, le Pantagias, les lieux où le Symèthe mêle ses eaux à celles de la mer, et les antres des Cyclopes rongés par le feu de leurs fournaises, et la ville qui porte le nom de la faux recourbée, [4, 475] Hymère et Didyme, Acragas et Tauroménium, et le Mélas, qui baigne les gras pâturages des boeufs sacrés. De là elle se rend à Camérina, à Thapsos, aux vallons de l'Élore, et là où s'élève l'Éryx, toujours caressé du zéphyr. Déjà elle avait parcouru Pélorias, Lilybée et Pachynum, [4, 480] les trois pointes principales de son île. Partout où elle porte ses pas, elle fait éclater son désespoir, semblable à l'oiseau qui déplore la perte d'ltys. Tantôt elle crie Perséphone! tantôt elle crie