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comment nous ferons la révolution

spontanéité désirable. Il y avait eu besoin, à maintes reprises, de prendre le contre-pied du compelle intrare de l’Évangile : au lieu de forcer à entrer ceux qui s’y refusaient, il avait fallu pousser les récalcitrants vers la porte, — les forcer à sortir.

L’opération s’effectuait avec mansuétude. Les syndicats avaient mobilisé des délégués, ayant mission de s’assurer que la décision de grève était généralement mise à exécution. Ces camarades servaient de centre de jonction à des cohortes de grévistes, qui zigzaguaient de quartiers en quartiers, passant en revue usines et ateliers et s’assurant que l’arrêt y était complet.

Là où le travail n’était pas suspendu, les manifestants entraient d’assaut. Tout d’abord, ils faisaient tomber les courroies, tournaient les commutateurs, lâchaient la vapeur, éteignaient les feux… Ces précautions préliminaires accomplies, ils expliquaient aux inconscients continuant à trimer combien leur acte était antisocial ; leur faisaient honte de manquer ainsi à la solidarité que se doivent entre eux les travailleurs ; s’efforçaient à leur faire comprendre qu’ils se portaient tort à eux-mêmes, qu’ils pâtiraient de cette trahison. Puis, en conclusion à ce bref cours de morale syndicale : « Ouste ! tout le monde dehors !… »

Parfois, les débaucheurs se buttaient à une tentative de résistance : des contre-maîtres zélés, des patrons entichés de leurs prérogatives, voire des ouvriers routiniers et inconscients s’interposaient, cherchant à refouler les grévistes, à les empêcher de pénétrer. Il en résultait des bourrades, des bous-