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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

la fin des choses, qui comprend la raison répandue dans la création entière[1] et gouvernant l’univers, lequel est soumis aux révolutions périodiques que cette raison lui a prescrites de toute éternité.

XXXIII

Encore un instant[2], et tu ne seras plus que poussière, un squelette, un nom, et bientôt pas même un nom ; car la renommée n’est qu’un bruit et un écho qui s’évanouit. Toutes les choses qu’on recherche si ardemment dans la vie sont bien vides, bien corrompues, bien mesquines, roquets qui se mordent, enfants qui se querellent sans cesse, riant un instant pour pleurer l’ins-

  1. La raison répandue dans la création entière. L’intelligence divine. Voir la préface des Questions naturelles de Sénèque.
  2. Encore un instant. Ce sentiment de l’infirmité humaine et du vide de toutes choses ici-bas est d’autant plus remarquable qu’il vient d’un souverain absolu, placé au faite des grandeurs, et qui a su par expérience ce que valent tout cet éclat et tout ce faste. C’est là une considération qu’il ne faut jamais perdre de vue en lisant et en méditant Marc-Aurèle ; l’élévation incomparable de son rang ajoute encore à la force et à l’utilité de ses conseils, qu’on pourrait suivre presque aveuglément, si la première règle de la philosophie n’était pas de suivre d’abord sa propre lumière. Chacun de nous, d’ailleurs, peut, dans sa sphère plus ou moins étroite, s’appliquer cette réflexion ; mais une sagesse aussi désintéressée est difficile dans tous les rangs ; et l’obscurité de la situation n’y aide guère.