Aller au contenu

Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XVIII

Est-il possible que l’homme redoute le changement[1] ? Et quelle chose peut donc se faire au monde sans qu’un changement n’ait lieu ? Qu’y a-t-il de plus agréable, de plus familier à la nature de l’univers entier ? Peux-tu prendre un bain, sans que le bois qui le chauffe ne se transforme et ne change ? Peux-tu manger, sans qu’il n’y ait un changement dans les aliments qui doivent te nourrir ? Une chose utile quelconque peut-elle s’accomplir sans un changement correspondant ? Ne comprends-tu donc pas que le changement qui t’atteint toi-même[2] est tout pa-

  1. Redoute le changement. La fin du paragraphe indique dans quel sens il faut entendre le changement. Il est clair qu’il s’agit ici de la mort. L’homme ne doit pas plus s’en étonner, ni la craindre, qu’il ne s’étonne du changement dans l’univers entier. C’est la loi des choses, et il en est atteint comme tout le reste. L’âme elle-même change aussi, puisqu’elle est séparée enfin du corps, après avoir été si longtemps et si intimement unie avec lui.
  2. Le changement qui t’atteint toi-même. Voilà le point essentiel de ce paragraphe. Le changement dans l’homme peut être ou la vieillesse ou la mort. La vieillesse, quand on en observe sur soi-même les progrès, n’est qu’un apprentissage successif de la mort ; c’est un triste mais grand spectacle, que chacun de nous peut se donner, aussi souvent qu’il le veut. Sénèque a dit en termes magnifiques : « Regardez donc sans peur cette heure fatale, qui est la dernière du corps et non point la dernière de l’âme. Considérez tous les