Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

II

Toutes les fois que tu fais quelque chose, adresse-toi cette question[1] : « Qu’est-ce que je fais précisément ? Ne le regretterai-je pas ? Encore un peu, je meurs[2] ; et tout disparaît pour moi. Ai-je à chercher autre chose que de savoir si l’acte que je fais actuellement est bien l’acte d’un être intelligent, dévoué à l’intérêt commun, et soumis aux mêmes lois que Dieu s’est données à lui-même ? »

III

Que sont Alexandre, et César, et Pompée, si on les compare à Diogène, à Héraclite, à Socrate[3] ?

  1. Adresse-toi cette question. Il est clair qu’on ne doit s’adresser cette question que pour les choses qui valent la peine qu’on s’interroge, sur le caractère et les conséquences de l’acte qu’on va faire. Voir la même pensée admirablement développée, plus haut, liv. III, § 7.
  2. Encore un peu, je meurs. On ne saurait se remettre trop souvent en mémoire cette brièveté nécessaire de la vie, sans même parler de tous les accidents imprévus qui l’abrègent encore. Sénèque a dit : « Hommes, vous vivez comme si vous deviez vivre toujours. Jamais il ne vous souvient de votre fragilité ; vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé. Vous le perdez comme s’il y avait plénitude, surabondance, tandis que ce jour même que vous sacrifiez à un homme, à une chose, sera peut-être le dernier. » De la Brièveté de la vie, ch. IV.
  3. À Diogène, à Héraclite, à Socrate. Ceci ne veut pas dire