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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

même, du moins autant qu’il le peut, quand il n’accepte pas de bon gré le destin qui lui est réparti, qu’il s’isole volontairement[1], ou qu’il commet un acte contraire à la loi commune. Tu t’es rejeté hors de cette union, qui était cependant conforme à la nature ; d’abord, tu avais été une partie de l’ensemble ; et voilà que maintenant tu t’en es toi-même retranché. Mais ce qu’il y a d’admirable en ceci, c’est qu’il t’est permis de te rattacher de nouveau à l’union que tu as quittée ; c’est là une faveur que Dieu n’a accordée à aucune autre partie quelconque, qui ne saurait revenir à son tout, une fois qu’elle en a été séparée et coupée. Mais vois l’immense avantage et l’honneur dont Dieu a gratifié l’homme[2]. Il l’a d’abord laissé libre de ne pas briser l’union[3] par son initiative individuelle ; et en second lieu, il lui a donné de pouvoir revenir[4], même après qu’il

    comme celle de Marc-Aurèle.

  1. Qu’il s’isole volontairement. Voir plus haut, livre V, § 8, une pensée presque semblable, où l’homme qui résiste à l’ordre universel des choses est comparé à un abcès dans un corps sain.
  2. L’honneur dont Dieu a gratifié l’homme. Nulle part Marc-Aurèle n’a montré mieux qu’ici les rapports qui unissent l’homme à Dieu, et la reconnaissance sans bornes que nous devons à l’auteur de notre être.
  3. Libre de ne pas briser l’union. C’est la grandeur de l’homme pris dans toute sa pureté avant la faute.
  4. Il lui a donné de pouvoir revenir. C’est le repentir après la chute, et la raison revenant à