Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

XLVI

Jamais rien ne peut arriver[1] à aucun homme qui ne soit un fait humain ; rien n’arrive à un bœuf qui ne soit fait pour le bœuf ; à une vigne, qui ne soit fait pour la vigne, ni même à une pierre, qui ne soit spécial à la pierre. Si donc chaque être n’éprouve jamais rien que d’ordinaire et de naturel, pourquoi dès lors prendre si mal les choses ? La commune et universelle nature[2] ne te donne pas à supporter un fardeau insupportable[3].

XLVII

Si la douleur que tu éprouves vient d’une cause extérieure, ce n’est pas à l’objet du dehors que tu dois t’en prendre, c’est au jugement que tu en portes[4] ; car il ne dépend que de toi absolument d’effacer le jugement que tu t’en formes.

  1. Jamais rien ne peut arriver. C’est l’absolue confiance à la bonté et à la justice de Dieu ; tout est réglé par lui avec une providence qui ne peut, ni se tromper, ni défaillir jamais. Reste, il est vrai, le libre arbitre de l’homme ; mais c’est à l’homme d’en bien user.
  2. La commune et universelle nature. C’est-à-dire, Dieu.
  3. Un fardeau insupportable. Voir plus haut, liv. VII, § 64, une pensée d’Épicure, toute semblable à celle-ci.
  4. C’est au jugement que tu en portes. Voir plus haut la