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LIVRE IX, § I.

est également la nature pour tous les êtres ; et les êtres d’ici-bas sont évidemment de la même famille que les êtres éternels. C’est là ce qui fait qu’à un certain point de vue, la nature est appelée la Vérité, parce que c’est elle qui est la cause première de tout ce qui est vrai. Celui donc qui trompe sciemment fait acte d’impiété ; car c’est un délit de mentir. Mais même quand on trompe sans le vouloir[1], comme on se met en désaccord avec la nature universelle, et que l’on provoque un désordre dans son sein, on combat par cela seul la constitution naturelle du monde[2]. C’est la combattre que de se porter, fût-ce à son propre détriment, vers ce qui contredit la vérité. Car celui qui s’égare ainsi avait préalablement reçu de la nature toutes les facultés nécessaires, et c’est en les négligeant qu’il s’est rendu désormais impuissant à distinguer le faux du vrai.

C’est encore une sorte d’impiété[3] de rechercher

  1. Quand on trompe sans le vouloir. Il semble qu’alors il n’y a plus même de faute morale. C’est une erreur ; ce n’est plus un mensonge.
  2. On combat par cela seul la constitution naturelle du monde. C’est peut-être employer des expressions bien fortes, quoique au fond l’idée ne soit pas fausse. Mais cette exagération du bien et cette horreur sans bornes pour le mal sont l’habitude et l’honneur du Stoïcisme.
  3. C’est encore une sorte d’impiété. Cette nouvelle espèce d’impiété prête à la même cri-