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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/344

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

forte ; et tu peux te convaincre de cette vérité pour peu que tu l’observes avec quelque soin ; car il serait plus facile de découvrir un objet terrestre séparé du reste de la terre, que de trouver un homme absolument isolé de l’homme[1].

X

L’homme porte son fruit, comme Dieu porte le sien[2], comme le monde porte le sien aussi, comme toute chose le porte, quand la saison en est venue. Si d’ordinaire le mot de Fruit ne s’applique proprement qu’aux plantes qui, comme la vigne, produisent des fruits, l’expression ici n’est de rien. La raison porte également son fruit, qui est tout ensemble, et commun, et spécial ; et, de ce fruit-là, il sort une multitude d’autres[3] fruits qui sont pareils à la raison elle-même.

    tielle de ce paragraphe.

  1. Un homme absolument isolé de l’homme. C’est que l’homme est essentiellement sociable, comme l’a démontré Aristote. Voir plus haut, liv. VIII, § 59, la note.
  2. Comme Dieu porte le sien. L’assimilation ne laisse pas que d’être un peu audacieuse ; mais il est certain que l’homme, quand il se dévoue au bien, peut se dire qu’il se rend semblable à Dieu autant que le lui permet son infirmité naturelle.
  3. Une multitude d’autres. C’est-à-dire que, d’un acte raisonnable, il peut sortir une multitude d’autres actes que dicte également la raison. Sénèque a dit : « Une marche irrévocable entraîne