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LIVRE X, § XXXII.

qu’un feu qui brille convertit en flamme et en lumière éclatante tout ce qu’on y jette.

XXXII

Que personne ne puisse jamais se permettre de dire de toi avec vérité que tu n’es pas simple ou que tu n’es pas bon[1] ; qu’à ton égard un tel soupçon soit toujours une calomnie. Tout cela ne dépend que de toi[2]. Qui pourrait, en effet, t’empêcher[3] d’être bon et simple ? Tu n’as qu’à te résoudre à ne pas continuer de vivre[4], si tu n’avais pas ces qualités ; car la raison ne te retient pas dans la vie, si tu ne les possèdes point.

  1. Simple… bon. Deux qualités qui résument en quelque sorte toutes les autres.
  2. Tout cela ne dépend que de toi. C’est un des axiomes de l’école stoïcienne, et, parmi toutes les philosophies, il n’en est pas une qui ait affirmé plus énergiquement le libre arbitre de l’homme.
  3. Qui pourrait, en effet, t’empêcher. Si ce n’est toi-même.
  4. Te résoudre à ne pas continuer de vivre. Il semble bien que Marc-Aurèle veut ici parler de suicide ; mais l’idée de cette extrémité, quoique permise et recommandée en certains cas par le Stoïcisme, ne semble pas applicable dans ce passage, puisque plus haut Marc-Aurèle vient d’affirmer qu’il ne dépend que de nous d’acquérir les vertus qui nous manquent, et qu’il l’affirmera énergiquement dans le paragraphe qui suit. Il est donc probable que Marc-Aurèle ne veut pas dire autre chose, si ce n’est qu’il vaut mieux ne pas vivre que de vivre dans le vice et le crime. Les manuscrits n’offrent, d’ailleurs, aucune variante qui autorise à modifier la nuance de la pensée.