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LIVRE XI, § XXI.

XXI

Quand on n’a pas dans la vie un seul et unique but[1], toujours identique, il est bien impossible d’être soi-même, durant sa vie entière, toujours un et toujours égal. Mais cette généralité ne suffit pas, et il faut encore déterminer précisément quel doit être ce but ; car, de même qu’il ne faut pas considérer indistinctement comme de véritables biens ceux que la majorité des hommes prend pour tels, mais qu’on ne doit s’attacher qu’à des biens d’une certaine espèce, je veux dire les biens communs à tout le monde, de même aussi on doit ne prendre pour but de la vie que l’intérêt de la communauté[2] et l’intérêt de l’État[3] ; car c’est en dirigeant toujours sur cet unique but

  1. Quand on n’a pas dans la vie un seul et unique but. Voilà une admirable maxime, d’une utilité pratique incontestable, et qui suffit à régler toute la conduite de la vie. Dans la Morale à Nicomaque, un des premiers soins d’Aristote est de montrer de quelle importance suprême il est pour l’homme de se fixer un but dans la vie, « afin que, comme des archers qui visent à un but bien marqué, nous soyons alors mieux en état de remplir notre devoir », liv. I, ch. I, § 7, de ma traduction, pag. 4
  2. L’intérêt de la communauté. C’est-à-dire, l’obéissance absolue aux lois de l’ordre universel.
  3. Et l’intérêt de l’État. C’est la règle supérieure dans la vie civile et dans la vie politique, où l’intérêt général doit toujours l’emporter sur l’intérêt particulier.