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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

ne vient pas d’une communauté de sang et de race, mais d’une communauté d’intelligence[1]. C’est que tu ne penses pas non plus que l’intelligence en chacun de nous est Dieu[2], de qui nous sommes tous sortis ; que rien n’appartient en propre[3] à quelque être que ce soit, et que c’est de Dieu que nous viennent[4], et notre enfant, et notre corps, et notre âme ; que les choses ne sont que ce que les font nos idées[5] ; et enfin que chacun de nous ne vit absolument que dans le moment présent, et que c’est ce présent seul que nous pouvons perdre[6].

    liv. VII, § 1.

  1. D’une communauté d’intelligence. Voilà l’unité véritable de l’espèce humaine, qui diffère évidemment à tant d’autres égards. Le Stoïcisme a compris cette identité essentielle, grâce à la haute estime qu’il faisait de l’âme de l’homme ; et c’est par une erreur contraire que la science de notre temps a voulu identifier l’homme au reste des animaux, dont quelques-uns seraient ses ancêtres.
  2. Est Dieu. L’expression est forte ; mais, dans la mesure où elle est prise ici, elle est profondément vraie ; et il serait bien incompréhensible que Dieu, qui est partout, ne fut pas dans son plus bel ouvrage, l’âme de l’homme.
  3. Rien n’appartient en propre. C’est ainsi que saint Paul a dit : « Qu’avez-vous qui ne vous ait été donné ? » Ire aux Corinthiens, IV, 7.
  4. C’est de Dieu que nous viennent… C’est le développement naturel de la doctrine stoïcienne, qui voit dans le monde un ordre admirable, auquel n’échappent même pas les moindres détails, à plus forte raison les rapports des créatures humaines entre elles, et les créatures humaines elles-mêmes.
  5. Les choses ne sont que ce que les font nos idées. Voir un peu plus haut, §§ 22 et 25.
  6. C’est ce présent seul que nous pouvons perdre. Voir plus haut, la même pensée, liv. II, § 14.