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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/50

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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

penser : « Tu es vieux[1] ; ne souffre plus que ce principe soit jamais esclave[2], qu’il soit jamais lacéré par un instinct désordonné ; ne permets plus qu’il se révolte contre la destinée, ni contre un présent qu’il maudit, ou contre un avenir qu’il redoute. »

III

Tout ce que font les Dieux est plein de prévoyance[3]. Le hasard même n’agit pas sans coopérer avec la nature, et sans avoir une certaine connexité et un certain entrelacement avec l’ordre que la Providence a constitué. C’est de là que tout découle. La seule chose qui s’y ajoute,

  1. Tu es vieux. Marc-Aurèle est mort à soixante-deux ans ; et en supposant même qu’il ait écrit ceci dans les dernières années de sa vie, il semble qu’il exagère un peu en parlant de sa vieillesse dans des termes qui la feraient supposer beaucoup plus avancée. Voir plus loin, § 6.
  2. Ne souffre plus que ce principe soit jamais esclave. C’est la lutte du principe supérieur contre le principe inférieur qui fait toute la grandeur de l’homme, et qui explique sa destinée morale. Bossuet a dit : « Le devoir essentiel de l’homme, dès là qu’il est capable de raisonner, est de vivre selon la raison et de chercher son auteur ; de peur de lui manquer de reconnaissance, si, faute de le chercher, il l’ignorait. » Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, ch. IV, § 2.
  3. Plein de prévoyance. C’est la foi à la Providence, que la raison humaine sent invinciblement, sans pouvoir d’ailleurs se l’expliquer et la comprendre tout entière.