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LIVRE II, § X.

Quelle relation ma nature soutient-elle avec l’autre ? Quelle partie forme-t-elle dans le tout ? Quel est ce tout dont elle fait partie ? » Et ajoute qu’il n’est personne au monde qui puisse t’empêcher jamais de faire et de dire ce qui découle comme conséquence nécessaire[1] de la nature dont tu fais partie.

X

C’est une idée bien philosophique que celle de Théophraste[2] lorsque, comparant les fautes entre

    pensée aussi juste que profonde, sagement recommandée à l’homme, de toujours considérer sa fonction dans le monde qu’il habite, dans l’univers dont il fait partie. C’est le mettre à sa vraie place ; et, à cet égard, le Stoïcisme a été plus pratique que tout ce qui l’a suivi. On a trop insisté, plus tard, sur le néant de l’homme, ou même aussi sur sa grandeur. L’homme n’est ni un atome imperceptible ni un géant. Il est ce qu’il est, faisant partie d’un tout qu’il doit s’efforcer de comprendre ; et puisque ce tout est soumis à un ordre que l’homme observe et admire, son devoir est de prendre sa part de l’ordre universel et de ne pas le troubler, même dans la mesure restreinte où par son libre arbitre il peut sortir du système prodigieux qu’il n’a point fait.

  1. Comme conséquence nécessaire. C’est là tout le problème, qui consiste à bien distinguer ce que l’ordre exige. Ce problème d’ailleurs n’est rendu difficile que par les vices qui peuvent dégrader notre âme.
  2. Théophraste. Marc-Aurèle n’indique pas l’ouvrage de Théophraste où cette pensée était développée ; elle est fort juste ; car il n’est pas de législation pénale qui n’ait fait et qui n’applique cette distinction. Il n’y a délit complet que là où il y a intention. D’ailleurs, Marc-Aurèle, en se rangeant à la doc-