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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

livrés à la colère. Troisièmement, notre âme se fait injure, quand elle se laisse subjuguer par le plaisir ou par la souffrance ; quatrièmement, quand elle commet quelque mensonge et qu’elle fait ou dit quelque chose qui n’est pas franc ou qui n’est pas exact ; cinquièmement enfin, lorsqu’elle néglige de diriger vers un but précis ses actes ou ses sentiments, et qu’elle les laisse aller à l’aventure et sans suite, tandis que c’est notre devoir de calculer nos moindres actions en les rapportant au but suprême de la vie. Or le but suprême pour des êtres doués de raison[1], c’est de

    universelle. Voir plus haut, §§ 3 et 9.

  1. Le but suprême pour des êtres doués de raison. C’est le devoir, qui se confond avec l’obéissance aux lois qui régissent le monde, « La cité la plus auguste et le plus auguste des gouvernements, » comme le dit si bien Marc-Aurèle. Sénèque a dit : « Je consens plutôt que je n’obéis à la volonté de Dieu ; je le suis de bon cœur et non point par force. Il ne m’arrivera jamais rien que je reçoive avec un visage triste et renfrogné. » Épître XCVI, à Lucilius. — « Il est bon de souffrir ce qu’on ne saurait corriger et de suivre sans murmures les ordres de Dieu, qui est auteur de tous les événements. » Épître CVII. — « Dieu, qui est notre père commun, a mis proche de nous tout ce qui pourrait nous servir pour notre bien. » Épître CX. — Bossuet a dit : « La nature humaine connaît des vérités éternelles ; et elle ne cesse de les chercher au milieu de tout ce qui change, puisque son génie est de rappeler les changements à des règles immuables. » Traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, ch. V, § 6. — Ailleurs, Bossuet ajoute : « Est-on moins libre pour obéir à la raison et à la raison souveraine, c’est-à-dire à Dieu ? N’est-ce pas au contraire une dépendance vraiment