Aller au contenu

Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

quentent. On n’a donc pas à faire le moindre état de la louange de pareilles gens[1], qui ne savent pas même se plaire à leurs propres yeux.

V

N’apporte jamais dans ce que tu fais ni mauvaise volonté, ni humeur insociable, ni hauteur inabordable[2], ni préoccupation qui te distraie. Que l’affectation ne soit jamais la parure de ta pensée ; ne dis jamais beaucoup de mots ; n’aie jamais beaucoup d’affaires[3]. Que le Dieu qui ré-

  1. Le moindre état de la louange de pareilles gens. L’idée n’est peut-être pas assez pratique pour tout le monde. Ce dédain peut convenir à un simple particulier plus qu’à un empereur, à un philosophe plus qu’au maître du monde. Il faut toujours dans certaines situations tenir compte de l’opinion publique ; et on ne peut la braver complètement que quand on est résolu, comme Socrate, à mettre sa vie en jeu, en y tenant aussi peu que lui. D’ailleurs on ne peut douter pour Marc-Aurèle que cet héroïsme n’eût été à son usage, si les circonstances l’eussent exigé. Il le dit dans le paragraphe suivant, et l’on ne peut le soupçonner d’une vaine ostentation. Il aurait agi comme il parle. — Sénèque a dit : « Dieu est près de vous ; il est avec vous ; il est au dedans de vous. Oui, mon cher Lucile, je vous dis qu’il réside au dedans de nous un Esprit saint, qui observe et qui garde comme un dépôt le bien et le mal que nous faisons ; il nous traite selon que nous l’avons traité. Sans ce Dieu, personne n’est homme de bien. » Épître xli, à Lucilius.
  2. Ni hauteur inabordable. Ces préceptes sont bien dignes d’estime quand on songe au poste que Marc-Aurèle occupait.
  3. Beaucoup de mots… beaucoup d’affaires. Cette opposition