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Page:Petrović-Njegoš - Les Lauriers de la montagne, trad. Veković, 1917.djvu/21

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La famille infernale[1] dévora tous les peuples,
un peuple par jour comme le hibou les oiseaux :
Mourad[2] la Serbie, Bajazet la Bosnie,
Mourad l’Épire, et Mahomed la Grèce,
Deux Sélim : l’Égypte et l’Afrique.
Tous ont pris quelque chose, il ne reste plus rien !
Ce qui se fait est terrifiant à entendre !
Le monde est petit pour le gouffre de l’enfer,
Il ne peut se rassasier, encore moins se fatiguer !
Yanko[3] défend Vladislav[4] mort ;
Pourquoi le défend-il puisqu’il ne le sauve pas ?
Skender-bey eut un cœur d’Obilitch,
il mourut pourtant en pauvre exilé. —
Mais que fais-je et avec qui suis-je ?
J’ai peu de bras et une force fragile ;
Je suis un brin de paille au milieu des tourbillons,
Un orphelin triste et seul au monde !
Mon peuple dort d’un mortel sommeil,
Et je n’ai personne pour essuyer mes larmes ;
Le ciel est fermé au-dessus de ma tête,
Il n’écoute ni mes gémissements ni mes prières.
Le monde est devenu pour moi un enfer,

  1. La race turque.
  2. Mourad Ier.
  3. Huniady Janos défendit héroïquement la Hongrie contre les Turcs.
  4. Vladislav III, roi de Hongrie et de Pologne, fut battu près de Varna en 1444 par Mourad II.