Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
SABBAT

— Moi qui m’ayant voulue seule, suis seule.

— Gloire à toi ! Nous te déclarons sainte.

— Vraiment ?

Et cette folle ne rit pas, et cette méchante a, sur le visage, le recueillement brûlant de la ferveur, et cette millénaire, soudain, met son âge contre son genou, et, d’un effort violent de ses mains victorieuses, le casse en deux comme un bâton : « Mon âge, dit-elle, voilà ce que j’en fais ! » Et elle le jette dans les primevères qui ont une heure et à travers les nids qui sont le printemps éternel : « Je compterai, bientôt, quinze ans », soupire-t-elle, cette ingénue. Et, nue et pure, l’adolescente s’étire, la fraise au sein et l’ombre pudique et veloutée plus bas…

« …Toi qui possèdes ce don inouï de te transformer à chaque seconde, toi qui, vieille comme la terre, deviens, tout à coup, jeune comme le bouton d’or, toi qui, plus méditative, sombre et mystérieuse qu’un puits, as, pourtant, la folâtrerie des papillons dans les antennes, et, dans l’âme, le doux parfum égal du sainfoin en fleur… Toi qui combats ta sagesse avec des cornes de chevreau, mais qui fais, aussi, se coucher la vie à tes pieds comme une lionne soumise…

— Elle est surtout pour moi la licorne tentatrice et puissante, et, dans l’ouragan couleur de feuille d’or, je sais quels oiseaux bleus nous poursuivons…

— Tu as le visage même de la joie et sa