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SABBAT

Espérance m’apporte, tous les jours, des ailes plus vastes !… La suprême s’appellera : la Délivrance. Je l’attends, et puis, je m’élèverai sur le monde… Depuis que je suis née, saint Orgueil m’apprend que l’âme est l’âme et que tout ce qui a pensé et voulu est divin. Mais chut !… Ne voyez-vous pas que sainte Folie attache à mes bras ses grands rires musicaux plus dorés et plus joyeux que des sonnailles ? Et qu’enfin, sainte Jeunesse me garde dans sa sainte candeur et dit à sainte Éternité, en me présentant : « Elle est impérissable comme la rose de mon front ?… » —

« Tous les saints sont mégalomanes. Le signe est constant, indubitable, certain, formel… » prononce un corbeau dont le vocabulaire est aussi lapidaire que peu varié et qui ressemble à Érasme.

Et, sur ce, on entend partout ce cri d’amour : « Sainte Sorcière ! Sainte Sorcière !… »

Ainsi l’appellent les feuilles qui soupirent avec la gorge fraîche et verte des beaux soirs, les pierres que le char écrase, la mandragore qui rit à son poison chéri, le serpent qui s’enivre de son venin, la blancheur qui veut devenir une colombe, le pampre qui s’imagine être toute la vigne, le rossignol qui veut avoir une couronne de lune, le loup qui crie : « Donnez-moi à manger les mauvais poètes,