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SABBAT

gueilleux qui ne se désaltèrent jamais à la coupe méprisable.

— Les lits sont étroits pour les fous qui rament dans les étoiles. J’ai choisi. C’est pour cela, sans doute, que je suis si joyeuse.

— Tu veux dire : si invincible. Les êtres qui ont l’illimité devant eux sentent battre, à leurs épaules, les belles ailes victorieuses : elles sont farouches.

Vos chaînes, ce sont les bras qui vous étreignent, et les yeux de vos amours trop humaines sont, pour vous, les pires cachots.

Va, si tu ne connais que la solitude des déserts, tu en possèdes aussi la lumière.

— Qu’est-ce que je ne possède pas ?

Puis-je ouvrir les yeux ?

— Oui, car ton âme est, en ce moment, divine. Il est des heures où tout mortel peut regarder en face le soleil.

— Les mortels ne le savent pas.

— C’est pour qu’ils l’apprennent que j’ai lâché, dans l’Univers, mes plus chers, mes plus infernaux, mes plus purs démons : les Poètes.