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SABBAT

velure, le feuillage et le vent et, dans sa poitrine sauvage de hulotte, la grande plainte du clair de lune ?

Ah ! mon Diable, qu’êtes-vous devenu ? Comment a-t-on arrêté, en moi, la marche de votre génie ? J’étais née, je le sais, pour la réalisation parfaite, moi qui fus possédée dès ma première heure, marquée pour cette divinité inouïe que couronne, à son origine, la rose infernale. Et, me souvenant de votre pelage lustré et sombre, du satin de vos oreilles aristocratiques, ô Satan-chat, de vos yeux ambigus et savants, de votre gorge qui initiait, déjà, la mienne au soupir dévorant des grands maudits, de votre gueule où étincelait la braise de mes futurs enfers, de votre rire muet qui laissait, sur le mystère et l’invisible, sa traînée de flamme, de la patte despotique que vous posiez sur ma tempe, dans le berceau où s’éveillait mon destin de poète, je déclare que vous ne fûtes pas qu’une vision ravissante et singulière de ma mère délirante, car ma pure mère au bleu regard communiqua toujours avec les mondes inexplorés.

Mais Diable universel, Diable infini qui, plus tard, divinisiez mon enfance et le soleil révolté de ses cheveux, pourquoi, pourquoi m’avez-vous quittée ?

— C’est toi qui m’abandonnas, créature ! Quand tu commenças à comprendre, tu perdis la connaissance, et, déshonorée par la science acquise, il te fallut dire adieu à la