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SABBAT

où nous pourrions parler plus bas, encore, et, cependant, tant je te suis lointaine, dans les minutes, je ne puis même pas te tendre une bouchée de pain, ô ma créature !

Triomphe de ce qui ne demande qu’à son rayonnement son triomphe, et rare festin, ma foi, celui qui n’a pas besoin de table, de coupe, de nourriture, d’esclaves et qui, pourtant, comble, dans la chute rythmée des roses et le Vésuve des vins, la faim et la soif les plus avides, les plus physiques en même temps que cette religion du faste qui est dans l’âme des démons !

Et tout ceci sera à jamais. Rien ne t’arrachera à moi, et tu seras, quoi que tu fasses, le dernier à vouloir être libéré, car Prométhée ne conçut plus le soleil que par le battement d’ailes de son rapace divin.

Sans que tu veuilles te l’avouer, tu aimes tes clous, cher crucifié, et l’auréole rose et fragile qu’ils font autour de la blessure démoniaque et sainte est celle que souhaite ton éternité.

Va, la terre et la terre sont unies sur la tombe et le blé et le blé sont unis dans le moulin.

Mon âme a pris racine dans la tienne et ton cœur n’est plus que la récolte du mien.

Allez, rivière, allez… Vous serez toujours coiffée du pont, habitée par l’ombre du saule, bue par la soif d’argent de la lavandière.

Chantez, rossignol, chantez… Vous serez toujours poignardé, à votre note la plus libre,