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SABBAT

vitalité de ceux qui nous aiment, des fulgurantes vertus de leurs allégresses et de leurs loisirs.

Quant au bienfait et à la gratitude, quoi de plus laid, de plus morose, de plus falot, de plus affligé de coryza chronique, de plus pourvu de cache-nez, de plus vêtu de noir et crotté de boue que ces parents pauvres qui se haïssent ?

Moi, je ne vous rendrai que le service d’être jolie, mais à ma façon et de toutes les manières qu’il me plaira, lancée dans le mystère, la piste et l’embuscade, détournée de vous par votre visage le plus secret, séduisante jusqu’au prodige, inconstante jusqu’au désastre, ailée jusqu’au triomphe, rapide jusqu’à la victoire, enfantine jusqu’à la divinité. Et, parfois, pour vous, j’aurai un de ces soupirs qui émeuvent toute une forêt de genêts en fleur, et vous saurez enfin combien est douce la démone qui fait danser une vipère.

Allez chercher ailleurs la compassion, la sollicitude, l’affection empressée, encombrante, maladroite, affreuse quand il vous arrive d’avoir un cœur en coton à rame et une âme assoiffée de sirop de gomme. Allez, allez !… Je ne m’habille plus des guenilles du dévouement. J’ai appris que le devoir sent mauvais, qu’il est comme ces vêtements misérables qui reçoivent la pluie et provoquent la sueur, et, moi, je ne veux vous faire que le don de mon ombre jouant aux osselets ou caressant les morts couronnés de myrtes.