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SABBAT

cette haine ? Et la légère, très légère voix du soir qui te poussait à cette démence ? Et cette clarine qui, soudain, cristalline et pure, l’interrompait et te laissait en pleurs au milieu de tes ravages et de tes colères ? Et ce soupir universel qui t’apprenait que tout être aime d’amour ce qu’il tue ?…

Écoute : j’ai retenti dans ta vie à la première gifle que tu as reçue, et quand tu fouillais le pupitre de tes condisciples, pour les voler, ce n’est point leurs hochets d’écoliers qui te restaient dans les doigts, mais ce risque et cette tentation que je n’ai jamais cessé d’être.

Et, aussi, tu m’as enfermée dans des cages, appris la cruelle chanson de la captivité, gorgée de baies, de chenilles, de mouron, entourée de la sollicitude passionnée, curieuse et funeste, et je suis morte, un soir, dans ta main, en donnant à ta vie mon âme de chardonneret.

Ta main ? Comme je la connais ! Elle ne serre pas la mienne, mais elle l’effleure, en la suppliant, de toute une légèreté pensive. Ta main tiède et lente ne cherche pas, mais accueille, et par elle, je sais le touchant égoïsme de l’aile qui aime à être caressée.

Et, figure-toi que, depuis que j’existe, j’en adore la tendre nonchalance. Lorsque j’étais petite fille, elle m’attachait, à côté du che-