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Page:Picard - Sabbat, 1923.djvu/283

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SABBAT

Et voici que l’herbe tremble, et celle qui veille se penche un peu plus vers la terre.

Tout le monde n’a pas la visite d’un grillon tandis que l’écorce des chênes craque dans la sombre inquiétude de la nuit.

Et le grillon raconte que des monstres joufflus à la culotte déchirée — « Ici, là, Madame, et, surtout — excusez-moi ! — ici… » — cernent tous les jours son terrier. « Et ils m’auront, Madame, ils m’auront ! Mon cousin qui était fiancé et s’allait marier tout prochainement, est, à cette heure, le prisonnier de cette engeance. La famille de la grillonne est au désespoir. Quant à elle, la malheureuse…

De grâce, Madame, ne connaissez-vous pas, pour moi, une caverne pareille à la vôtre, mais en beaucoup, beaucoup plus petit ? Une fissure, dans ce rocher, et je serai heureux. »

« Oh ! naïf, fait la pauvre petite sorcière. Tu crois donc qu’on peut être à jamais à l’abri dans ce monde ? Mille pèlerins assiègent, tous les jours, la porte du plus farouche solitaire, et les bâtons frappent fort, et les coquilles heurtent les besaces, et les gourdes veulent être remplies, et les pieds veulent être lavés, et les robes de bure veulent être fleuries du lis du Seigneur, et les âmes veulent se répandre car elles sont des sources si captives, si captives, toujours…

Ah ! si tu savais, si tu savais !

Et quand, par miracle, les errants de la vie ont laissé, une fois, le solitaire tranquille,