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SABBAT

signal et passent, ne sont pas plus pitoyables et étrangers l’un à l’autre que nous, mon frère — ah ! mon frère ! — les nuits où la Fête sans nom ne nous anime plus.

Sabbat de la poésie ! Ô seul magnifique délire ! Quoi ! la folie peut nous abandonner, parfois ?… Pourtant, quand nous sommes en proie à sa félicité inconcevable, elle nous semble absolue. Nous l’accueillons comme la récompense éternelle de notre vitalité de démons.

Mon cœur qui n’appartient plus, ce soir, qu’à l’obscure force de mon sang, me fait peur, maintenant que les déesses de frénésie et les sorcières de volupté l’ont laissé tomber de leurs mains chaudes et violentes.

Je suis nue. Rien sur moi : Ni l’ondoyante tunique de l’illusion, ni le manteau serré des secrets détours, ni l’armure des beaux défis, ni le feuillage des perfides pudeurs, ni les roses hautaines de ce qu’on invente, de ce qu’on croit, de ce qu’on veut, ni la pourpre coupable et ravissante du démonisme, ni cet azur de perdition qu’on voit aux fleurs des presbytères, aux papillons plus maudits, encore, que la luxure et les vitraux, ni cet or implacable et vainqueur qui tombe des cymbales, ni la lumière prodigieuse du rêve qui naît à sa malice luciférienne et fouille, déjà,